Comportement Zénon
On dit qu'un système a un comportement de type Zénon s'il se produit un nombre infini d'événements dans ce système dans un intervalle de temps arbitrairement petit. Il existe donc une suite d'instants {$(t_i)_{0\leq i}$} auxquels se produit un événement, telle que : {$$\sum_{0\leq i}(t_{i+1}-t_i) = t_\infty$$} le temps ne progresse donc pas au delà de {$t_\infty$} dans le comportement de ce système.
Un exemple est donné par la fonction {$C_\infty$} suivante : {$$b(t) = \left\{ \begin{array}{ll} \sin(\frac{1}{t-t_0}) e^{-\frac{1}{(t-t_0)^2}} & t\neq t_0 \\ 0 & t=t_0 \end{array}\right. $$}
Cette fonction, bien que très lisse, change de signe un nombre infini de fois dans n'importe quel intervalle contenant {$t_0$}. La notion de dernier ou prochain changement de signe n'est pas définie à {$t_0$} .
On parle de comportement Zénon en référence à Zénon d'Élée, philosophe grec à qui sont attribués des paradoxes liés au continu et la possibilité de le diviser infiniment. L'un de ces paradoxes considère un mobile se déplaçant d'un point {$A$} à un point {$B$}. Pour ce faire, le mobile doit d'abord parcourir la moitié du chemin entre {$A$} et {$B$}, mais ensuite, il devra encore parcourir le chemin entre le milieu de {$ [AB]$} et {$A$}, pour lequel on peut appliquer le même raisonnement. Son argument consiste à dire que puisqu'il lui faut parcourir une infinité de segments, le mobile n'arrivera jamais en {$B$}.
Le paradoxe est résolu lorsqu'on tient compte du fait qu'une somme infinie de termes peut être finie. Ici, si l'on note {$v$} la vitesse du mobile, le temps {$t$} que met le mobile pour parcourir l'infinité de demi-segments est : {$$t=\sum_{k=1}^{\infty}\frac{1}{v}\frac{AB}{2^k} = \frac{AB}{v}\sum_{k=1}^{\infty}\frac{1}{2^k} = \frac{AB}{v}$$}
Le problème persiste lorsque l'on simule le comportement d'un tel système car le temps d'exécution de chaque pas de simulation reste supérieur à une valeur minimale, et le temps du modèle progresse de plus en plus lentement (dans le temps de l'observateur de la simulation) lorsque le mobile s'approche de {$B$}. En réalité, le temps du modèle s'arrête avant {$t_\infty$} à cause de la précision limitée de la représentation des réels utilisée.
Comportement Berkeley
Même en l'absence de comportement Zénon, l'occurrence d'un nombre infini d'événements dans un intervalle de temps borné pose problème. Bien que le temps ne s'arrête pas, il est impossible d'observer un tel système en l'échantillonnant à pas fixe, aussi petit que puisse être ce pas. On parle de comportement Berkeley, en référence au philosophe irlandais George Berkeley et à sa critique du calcul infinitésimal de Leibniz et Newton.
Un exemple de comportement Berkeley est obtenu en considérant des événements qui se produisent à des intervalles de temps {$t_k$} tels que {$t_{k+1} = t_k + \frac{1}{k}$}. La série harmonique {$\sum\frac{1}{k}$} ne convergeant pas, le temps progresse indéfiniment dans cette suite d'événements, mais il est impossible de prendre en compte ce comportement dans un modèle à pas fixe, quel que soit la valeur choisie pour ce pas.
Modèles et intelligence
Considérons la suite {$s=0, 2, 4, 6, 8 \dots$}, donnée en extension. On peut aussi considérer sa définition en compréhension {$s=(2i)_{0\leq i}$}.
Comprendre la suite {$s$} revient donc à trouver un modèle (sa définition en compréhension) qui permet de calculer ses termes (son extension).
Si l'on considère qu'un être intelligent est un être qui comprend bien (et vite), l'intelligence peut-être définie comme la capacité d'un être à construire (rapidement) des modèles qui lui permettent d'adopter un comportement adapté face à son environnement. Plongé dans un nouvel environnement, l'être intelligent construit un modèle de ce qu'il observe, ce qui lui permet de prédire l'évolution de cet environnement et la manière dont il réagit à ses actions.
Les tests de QI qui demandent de trouver le prochain terme d'une suite de symboles testent cette capacité à construire un modèle en compréhension des termes donnés afin de prédire le terme suivant. Ces tests n'évaluent toutefois pas la capacité d'une personne à construire un modèle de son environnement social de façon à interagir correctement avec lui, ce qui est pourtant du domaine de l'intelligence avec notre définition.
Cette définition de l'intelligence ne se limite pas aux êtres vivants. Un système qui est capable de construire dynamiquement un modèle de son environnement pour optimiser son comportement peut être qualifié d'intelligent. Mais un filtre adaptatif, qui ne fait qu'ajuster les paramètres d'un modèle dont la structure est figée à la conception, peut-il être considéré comme intelligent ? Y a-t-il une différence de nature entre un filtre anti-spam, qui construit un modèle de ce qu'est un message indésirable pour les classer à part, et le comportement d'un animal qui apprend à éviter les situations indésirables ? Pour poser la question autrement, à partir de combien de grains a-t-on un tas de sable ?
Faites preuve d'intelligence : modélisez !